La madre de Frankenstein (Episodios de una guerra interminable #5) – Almudena Grande

Lecture d’avant départ en vacances, histoire de rafraîchir mon espagnol, La madre de Frankenstein (Les secrets de Ciempozuelos en français) a été pour moi un choix évident le catalogue de la Biblioteca electrónica del Instituto Cervantes, à la suite des quatre tomes lus précédemment.

Résumé : 1954. Le jeune psychiatre Germán Velázquez revient en Espagne pour travailler à l’asile pour femmes de Ciempozuelos, à la périphérie de Madrid. Après avoir fui la victoire des nationalistes en 1939, Germán a vécu quinze ans en Suisse, chez un psychiatre juif lui-même en exil.
À Ciempozuelos, Germán retrouve une patiente qui l’avait fasciné, enfant, quand son père la soignait : Aurora Rodríguez Carballeira, paranoïaque qui a assassiné sa propre fille. Il y fait également la connaissance d’une aide-soignante, María Castejón, à qui doña Aurora a appris à lire et à écrire. Attiré par María qui le repousse, Germán la soupçonne de cacher de nombreux secrets.
Âmes-sœurs désireuses de fuir leurs passés respectifs, Germán et María aspirent à se donner une nouvelle chance, mais ils vivent dans un pays humilié, où les péchés deviennent des délits, et où la religion et la morale officielle camouflent abus et exactions. (Babelio

Mon avis : Comme d’habitude, j’ai été emportée par l’écriture d’Almudena Grande. Sans surprise, c’est toujours un régal de découvrir ses héros. 

Après Los pacientes del Doctor Gracia, on revient à un roman plus centré sur l’Espagne et sur les conséquences de la Guerre Civile sur la société et sur la vie des femmes espagnoles. Si le choix du lieu peut sembler très particulier car il s’agit d’un asile psychiatrique pour femmes, il permet à l’autrice de nous parler des conditions de vie des personnes dont le régime fachiste se souciait le moins : les femmes atteintes de troubles de la santé mentale, l’escalon ultime de la société.

Le personnage principal, Germán, qui revient en Espagne après plus de dix ans d’exil, permet de mettre en lumière les absurdités de la dictature franquiste. Les difficultés de celui-ci à comprendre et intégrer les codes et les normes sociales à respecter pour éviter les ennuis à la foi pour lui-même mais aussi pour son entourage et ses patientes ainsi que son indignation face à celles-ci en sont sans doute les plus illustrations les plus parlantes.

Comme dans les trois premiers tomes, il y a de beaux personnages attachants: Germán et les difficultés qu’il rencontrent à rentrer dans le moule de la société de son pays; María, personnage emblématique de la condition des femmes de la classe ouvrière espagnole de l’époque, qui, malgré les coups durs de la vie reste lumineuse; et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, apprendront à Germán les règles du jeu… et comment les contourner.

Un très bel ouvrage, une fois de plus, qui apporte un autre éclairage sur la Guerre Civile espagnole et ses conséquences sur les décennies suivantes.

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Espérame en la última página – Sofía Rhei

Avant de partir en vacances, j’avais envie d’une lecture légère. Venant de renouveler ma carte de lectrice de la bibliothèque électronique de l’ Instituto Cervantés, c’est au hasard de mes recherches sur leur site, que je suis tombée sur cet ouvrage dont le titre m’a interpellée : Attends-moi à la dernière page (il semble ne pas exister de traduction française mais bien en anglais : I’ll meet you on the last page , ndlr).

Résumé : La littérature possède-t-elle la capacité de soigner ? Ce roman nous montre qu’être avec la mauvaise personne peut nous transformer à notre tour en mauvaise personne et que la vie nous offre toujours une deuxième chance, il faut juste trouver le livre approprié.

Celui-ci pourrait être le tien.

Il y a des romans qui servent de baumes, d’autres qui provoquent la catharsis, des titres qui nous emplissent de joie et d’autres qui nous aident à transformer la tristesse.

Dans les livres se trouvent des clés qui peuvent donner du sens au passé ou illuminer le chemin vers le futur.

Tous, nous sommes un jour tombés amoureux de la mauvaise personne. Silvia aussi.

Elle a découvert que, parfois, un livre peut être le meilleur remède.

Silvia est sur le point de célébrer son quarantième anniversaire et vit à Paris. Elle est la maîtresse d’Alain, un homme marié qui lui raconte toutes les nuits la même histoire pour la garder. Même si elle sait cette histoire n’est pas vraie, elle ne peut s’empêcher de céder à la tentation d’y croire.

Sa meilleure amie la convainc de consulter un conseiller enthousiaste et énigmatique capable de soigner avec la littérature. Grâce à des auteurs comme Oscar Wilde, Italo Calvino, Gustave Flaubert, Terry Pratchett ou Mary Shelley, Silvia apprendra de précieuses leçons, qui ne lui serviront pas lorsque Alain réapparaîtra et détruira ce qu’elle avait construit : « Je me suis trompé. J’ai besoin de toi, tu ne sais pas à quel point. » Et elle retombera dans ses filets comme un papillon de nuit dans la lumière.

Grâce au pouvoir des histoires, Silvia affrontera les pages obscures de sa propre vie, à toutes les zones sombres d’elle-même. Mais  ce chemin de pavés multicolores ne sera pas exempt d’obstacles (Essai de traduction du quatrième de couverture).

Mon avis : C’est effectivement une lecture plutôt légère et agréable, parfaite à emmener en vacances. Comme dans beaucoup de romans de ce genre, la protagoniste a des comportements qui m’horripilent ou pourraient me faire lever les yeux au ciel. Silvia n’échappe pas à cette règle mais ceux-ci ont une explication.

L’intérêt de ce roman réside dans ce mystérieux conseiller que Silvia, après quelques réticences, finit par consulter et par cette méthode particulière de lui recommander des lectures pour leurs sessions. Ces lectures  résonnent dans sa vie et sa problématique; expérience que toute lectrice et tout lecteur a un jour expérimenté avec un ou plusieurs romans.

Bref, si il ne s’agit pas d’une trame novatrice, le moyen d’aider la protagoniste à sortir de cette relation toxique est, par contre, original. Dommage que cette piste ne soit pas assez exploitée. L’histoire reste cependant agréable à lire, j’ai d’ailleurs même fini par m’attacher à Silvia malgré ses réactions et comportements qui m’horripilaient légèrement au début.

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La Nena – Carmen Mola

Ce troisième tome, je l’attendais depuis avril, lorsque j’avais dévoré les deux premiers, La fiancée gitane et La Red Púrpura (le deuxième n’ayant pas encore été traduit en français, je pense). Et comme avec les deux précédents, j’ai été happée par ce thriller.

Résumé : Personne ne revient indemne de l’enfer.

C’est la nuit du nouvel an chinois, l’année du cochon. Chesca, à la tête de la BAC depuis un an, a rendez-vous avec Ángel Zárate mais au dernier moment, il lui pose un lapin. Elle décide cependant de sortir s’amuser et rencontre un homme avec qui elle passe la nuit. À son réveil, trois hommes entourent son lit, attendant de se joindre au festin. Et un odeur repoussante de cochon imprègne la pièce.

Après une journée complète sans nouvelles de Chesca, ses collègues de la BAC commencent à la rechercher. Ils compteront sur l’aide inestimable d’Elena Blanco, qui ne peut tourner le dos à une amie, malgré sa démission de la police suite à la débâcle de l’affaire de la Red Púrpura. Très vite, il apparaît que des secrets inconfessables se cachent derrière la disparition de Chesca. (Essai de traduction de la quatrième de couverture)

Mon avis : Comme les deux premiers, c’est assez trash, assez violent, assez cru. Âmes sensibles, il vaut mieux vous abstenir.

Le récit est construit comme dans les tomes précédents, chaque partie du livre commençant par un court monologue, une plongée dans les pensées d’une victime. C’est un truc qui marche assez bien avec moi : ça me pousse à en savoir plus, vite. Et puis, Carmen Mola sait comment nous tenir en haleine…

Après les horreurs commises au sein de la Red Púrpura, Carmen Mola nous propose cette fois une paire de serial killer plutôt abjects. Il faut avoir l’estomac bien accroché pour arriver à la conclusion de cette enquête.

Mais j’ai cependant pris plaisir à retrouver les personnages de la BAC et d’en découvrir un nouveau. Cela présagerait-il de nouveau(x) tome(s) ?

Bref, un bon thriller si vous n’avez pas peur des atmosphères gore.

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La novia gitana (La fiancée gitane) ET La Red Púrpura – Carmen Mola

Parmi les choses positives que je retiendrais de cette période de confinement, c’est la découverte et ma première utilisation d’un système de prêt d’ebooks. Et pour se faire, j’ai choisi ces deux ouvrages, mis en avant par l‘Instituto Cervantes de Bruxelles via leur page Faceb**k.

Résumés :

La novia gitana (traduit en français sous le titre La fiancée gitane, ndlr) : Quand elle rentre à l’aube, fourbue, éméchée, la voix éraillée par sa nuit dans les bars de karaoké, dévastée par la tristesse de la chair assouvie furtivement avec des inconnus, Elena Blanco a un rituel : examiner pendant des heures les images d’une caméra de surveillance placée devant la porte cochère de son immeuble. Qui craint-elle de voir ? Ou, plutôt, qui plus que tout au monde voudrait-elle voir ? Une affaire non résolue pour cette enquêtrice hors pair, la seule dans sa carrière.
Mais c’est bien plus qu’une affaire, c’est un drame personnel qui a brisé sa vie et qui hante chaque seconde de son existence. Pour l’heure, il lui faut éloigner ses démons et aller de l’avant car l’antenne de police qu’elle dirige à Madrid se trouve saisie d’un cas bien étrange : le meurtre d’une gitane disparue après l’enterrement de sa vie de jeune fille. La mort, d’un sadisme avéré, a manifestement été donnée par un esprit effroyablement retors.
Le mode opératoire n’est pas sans rappeler un crime survenu sept ans plus tôt, et dont la victime n’est autre que Lara, la sœur de la gitane, qui s’apprêtait elle aussi à épouser un gadjo. Pourtant, l’assassin de Lara est déjà sous les verrous. De fausses pistes en indices délusoires, dans des sites madrilènes illustres ou mystérieux mais tous chargés d’histoire, l’auteur déplie une intrigue horrifique avec une exemplaire économie d’effets ; et porte sur les fonts baptismaux un nouveau personnage promis à un bien bel avenir. (Decitre)

La Red Púrpura (pas encore traduit en français) : !Alerte spoiler du premier tome à suivre ! La fin du premier tome nous laissait sur une interrogation concernant la disparition de Lucas : est-il toujours vivant ? qui est-il devenu ? où est-il ? et ce deuxième tome va répondre à ces questions. Âmes sensibles s’abstenir, La Red Púrpura, est un réseau qui vend de la violence en ligne ou en direct via le Dark Web. Elena est bien décidée à remonter à la tête de ce réseau et à le démonter. Mais, en plus de motifs professionnels, elle a une motivation personnelle pour mener à bien cette enquête.

 

Mon avis : Si La novia gitana est un bon thriller, bien qu’un peu gore, la fin laisse le lecteur sur sa faim. En soit, après avoir lu les deux tomes, je dirais qu’il s’agit d’une espèce de prélude, de présentation nécessaires à La Red Púrpura.

La novia gitana, c’est une enquête sur un meurtre, deux en fait, particulièrement horribles. Ce sont des flashblack sur un épisode traumatisant vécu par un enfant. Qui est-il ? Quel est son lien avec ces deux meurtres ? L’auteure nous lance des pistes et la chute à de quoi surprendre… D’autant qu’elle pose plus de questions qu’elle n’en résout.

La Red Púrpura, c’est la continuité du drame personnel d’Elena, [spoiler]la disparition de son fils. C’est l’enquête pour retrouver une jeune femme, pour démonter un réseau abject mais c’est aussi une enquête pour laquelle Elena a une motivation personnelle très forte. C’est également une réflexion sur les limites, déontologiques ici, que nous nous imposons et qui nous sont imposées. Lesquelles peut-on franchir ? Qu’est-ce qui peut le justifier ? Et une interrogation plus personnelle aussi : l’amour peut-il tout excuser, tout pardonner ?

Deux romans, une histoire captivante, pour laquelle il faut cependant avoir l’estomac bien accroché.

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Bienvenido a casa – y otras formas de decirte te quiero – et Obras de arte y otros relatos de Mamén Gomez

Je ne sais plus trop comment j’avais découvert le site de La chica de los jueves mais très vite, j’ai beaucoup aimé ses textes. Et tout naturellement, j’ai ensuite eu envie de découvrir ses livres.

Résumé :

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Bienvenido a casa – y otras formas de decirte te quiero : C’est sans doute des deux ouvrages celui qui ressemble le plus à son blog car il s’agit des meilleurs textes qui y ont été publiés et quelques inédits. L’ensemble de ses réflexions, états d’âme sont regroupés et découpés selon les pièces de la maison.

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Obras de arte y otros relatos : Il s’agit d’une œuvre de fiction où l’on découvre Marta, un corazón de fondant (un cœur de fondant). Marta est sensible et émotive, son coeur fragile et on la suit se lancer dans la vie amoureuse tout en essayant de ne pas briser son corazón de fondant.

Mon avis :

J’ai beaucoup aimé Bienvenido a casa…, autant que j’aime le blog en fait. Des textes intelligents et sensibles qui résonnent en moi. La chica de los jueves, c’est un peu comme une amie dont on partagerait les peines et les joies. C’est vraiment un ouvrage que je vous recommande.

Quant à Obras de arte y otros relatos, j’ai moins accroché à cette fiction, à ce principe du corazón de fondant tellement sensible et fragile que Marta devrait éviter de tomber amoureuse… à moins de trouver un moyen d’évacuer la peine. Celui-ci sera l’écriture, à travers une rencontre un peu particulière. On y retrouve bien la plume délicate de Mamén Goméz mais j’ai été moins emballée, moins touchée.

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Los pacientes del doctor García – Almudena Grandes

Il m’attendait, en tête de rayon. Je n’ai donc pas pu m’empêcher, je l’ai emmené avec moi, ce dernier tome des « Episodes d’une guerre interminable » d’Almudena Grandes.

Résumé : Après la victoire de Franco, le docteur Guillermo García Medina entame une nouvelle vie, clandestine, à Madrid sous une fausse identité. Les papiers qui lui ont permis d’éviter le poteau d’exécution lui ont été offerts par son meilleur ami, Manuel Arroyo Benítez, un diplomate républicain à qui il a sauvé la vie en 1937.

Alors qu’il pense qu’il ne le reverra jamais, Manuel revient de l’exil en 1946 sous couvert d’une mission secrète et dangereuse. Il doit infiltrer une organisation clandestine, un réseau d’évasion de criminels de guerre et de fugitifs du Troisième Reich dirigé par une femme allemande et espagnole, nazie et phalangiste, Clara Stauffer.

Alors que le docteur García se laisse recruter par son ami, le nom d’un autre espagnol va croiser le destin des deux amis. Adrían Gallardo Ortega, qui a connu un moment de gloire comme boxeur professionnel avant de s’engager dans la Division Bleue et a participé à l’ultime défense de la ville de Berlin, survit comme il peut en Allemagne, ignorant que quelqu’un s’apprête à s’approprier son identité pour rejoindre l’Argentine de Perón. (Essai de traduction du quatrième de couverture)

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Mon avis : Comme dans chacun des tomes de cette série, l’intrigue se déroule avant la Guerre Civile, pendant et après. Ici, par contre, la majorité de l’histoire se déroule après.

Globalement, je le trouve assez différent des tomes précédents. Le thème tout d’abord n’est pas centré sur l’Espagne, on prend de l’ampleur, on élargit fortement le cadre spatial de l’intrigue. Par la période traitée, on aborde aussi les relations de l’Espagne franquiste avec les autres nations. Que ce soit l’Allemagne et l’Italie mais aussi les États-Unis et l’Argentine. Ce côté plus (géo)politique était intéressant.

Et puis, le thème principal est quand même particulièrement interpellant et passionnant. Il y a aussi un côté plus roman espionnage assez marqué dans ce tome.

Autre particularité,  au niveau de la forme cette fois, il s’agit d’un ouvrage découpé en petits chapitres. Ce qui facilite grandement la lecture. Et entre des chapitres de fiction, il y a des chapitres plus brefs reprenant des événements et le contexte historique. Cela donne un éclairage plus concret et un ancrage dans l’époque relatée pour le lecteur moins averti.

Une dernière différence pour moi est que j’ai eu plus de mal à réellement m’attacher aux personnages. On est un peu moins dans leur quotidien, plus dans la clandestinité, dans ces doubles vies qu’ils sont obligés de mener et donc ils m’ont moins touchée.

Malgré cela, ça reste un roman au thème très intéressant, bien documenté et haletant. À lire, évidemment.

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